عن كتاب islam et politique معطي قبال في Libération 20 juin 1997

1997-06-20::

LIBÉRATION

 

Par Maati KABBAL — © à 05:03

 

CRITIQUE

Livre. La diabolisation réciproque islamisme-modernité mène à une impasse. L'islam au péril du politique Burhan Ghalioun, «Islam et politique, la modernité trahie», La Découverte, 253 pp., 135 F. Jocelyne Cesari, «Faut-il avoir peur de l'Islam?», Presses de Sciences-Po, 127 pp., 75 F.

Par Maati KABBAL — 20 juin 1997 à 05:03

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 Livre. La diabolisation réciproque islamisme-modernité mène à une impasse. L'islam au péril du politique Burhan Ghalioun, «Islam et politique, la modernité trahie», La Découverte, 253 pp., 135 F. Jocelyne Cesari, «Faut-il avoir peur de l'Islam?», Presses de Sciences-Po, 127 pp., 75 F.

En 1977, Burhan Ghalioun signe en arabe Manifeste pour la démocratie

et fait mouche. Dans cet essai incisif, l'auteur s'attaquait de front aux tares théocratiques et autocratiques des sociétés arabes, ainsi qu'à la pensée dominante de l'époque, le nationalisme mâtiné de marxisme et de populisme, etc. Depuis, bien que bon nombre d'Etats arabes s'autoproclament démocratiques, la situation, à la faveur de l'islamisme, n'a guère évolué; elle a tendance, bien au contraire, à se détériorer; ce qui rend le propos de Burhan Ghalioun plus actuel que jamais.

Dans le présent essai, l'auteur élargit le champ de la réflexion à l'ensemble de l'ère arabo-islamique, en s'attachant à décrypter les mécanismes du repli historique et les raisons du ratage de la modernité. Des usages pervers et répressifs de la politique faisons table rase, telle est l'hypothèse de base de ce travail. Opium servi à hautes doses par des gouvernants corrompus à des peuples extrêmement démunis, la politique est à réinventer. Pour Burhan Ghalioun, «le véritable mal dont souffrent les sociétés musulmanes ne vient pas de l'islam, mais de leur politique. Transformée en tabou, celle-ci est la nouvelle religion où se confirme l'adhésion et où se décrète l'exclusion».

Prenant le contre-pied de la pensée diabolisante  celle des islamistes contre la modernité et des laïques contre la tradition , l'auteur désigne le déficit de la pensée critique comme l'un des principaux facteurs de déliquescence des sociétés arabo-musulmanes.

A la modernité hybride, revendiquée à son de trompe par des Etats coercitifs et des élites acculturées, au renouveau religieux, fécond de régressions, Burhan Ghalioun oppose une purification éthique du politique, garant de l'avènement d'une démocratie comme «stratégie de transformation de tous les rapports de domination et de multiplication, à tous les niveaux, des foyers d'autonomie et d'émancipation». Sur de nombreux points, l'analyse de Jocelyne Cesari, chercheur au CNRS, recoupe celle de Burhan Ghalioun: dénonciation des raccourcis et des illusions d'optique dont l'islam est l'objet; volonté d'instruire les causes des coupures et des ratages, etc.

Pour Jocelyne Cesari, l'islam, notamment hexagonal, est victime du syndrome postcolonial; l'imaginaire qu'il véhicule est ou «anxiogène» ou «criminogène». A la faveur des clichés réducteurs, foulard, barbe, violence, etc., s'est donc développée une islamophobie à tous crins.

Or, ce n'est pas tant de l'islam qu'il faut avoir peur que de la logique d'affrontements inscrite dans l'accumulation des visions simplificatrices à l'oeuvre de part et d'autre, remarque Jocelyne Cesari; aussi, la peur n'est que la résultante d'une méprise, voire d'un mépris. «Notre défi est de mieux comprendre l'histoire et les réalités du monde musulman, et de reconnaître la diversité et les multiples facettes du référent "islam afin de sortir de l'ornière de la menace», relève l'auteur.

Maati KABBAL