Certains cadres n’accepteront pas de mourir avec la famille Assad

2013-08-28 :: Le Temps

 

Pour Burhan Ghalioun, figure de l’opposition syrienne, une intervention militaire précipitera la fin du régime syrien . Premier président du Conseil national syrien, dont il démissionne en mai 2012, Burhan Ghalioun reste l’une des figures majeures de l’opposition syrienne. Il appartient, selon ses termes, au «noyau» de la Coalition nationale de l’opposition et, à ce titre, participe aux discussions diplomatiques.

 

- La possibilité d’une intervention militaire se précise. Est-ce le souhait de l’opposition?

- Dans sa grande majorité, l’ensemble de l’opposition, même celle qui n’est pas représentée au sein de la coalition, espère que cela précipite la fin du régime syrien. Un espoir est né, celui que la tragédie que vivent les Syriens depuis deux ans et demi prenne fin.

 

Sur quels soutiens le gouvernement syrien peut-il compter?

– Dans sa déclaration, lundi, (le chef de la diplomatie russe) Sergueï Lavrov a été très clair, il ne lèvera pas le petit doigt pour sauver Bachar el-Assad. Il déplore l’intervention qui s’organise mais n’a pas menacé de représailles au cas où elle aurait lieu. Certes, il reste les armes que Moscou a promis de livrer à Damas, mais ces dernières pourraient ne jamais arriver à destination, si les aéroports ou les installations portuaires étaient gravement endommagés par les frappes.

 

Les Russes ont-ils abandonné Damas?

– Le gouvernement de Vladimir Poutine a tiré le maximum de bénéfices de son soutien au président Bachar el-Assad. Il a instrumentalisé le conflit syrien pour peser de tout son poids sur la scène internationale. Mais à partir du moment où se décide une intervention militaire contre le régime, les Russes auraient beaucoup à perdre s’ils s’obstinaient à soutenir inconditionnellement Bachar el-Assad. Je pense qu’il y eut en coulisses des négociations avec les Russes; les Saoudiens leur ont rendu récemment visite (lire ci-dessous). D’autres diplomates leur ont parlé et, peut-être, leur ont donné un certain nombre de garanties.

 

L’intervention est-elle désormais inéluctable?

– Le président Barack Obama l’a dit, la crédibilité de la diplomatie américaine était en jeu. Il est obligé d’intervenir. La machine est lancée. Il s’agit d’une question de jours, une semaine peut-être, moins de dix jours dans tous les cas.

 

L’opposition syrienne a-t-elle été consultée?

– Les contacts sont quotidiens entre les chancelleries française, britannique, américaine et nous. Nous discutons de tout, y compris des cibles qu’il faudrait bombarder.

 

Quelles cibles pourraient être visées?

– Il est question aujourd’hui d’aéroports militaires, de sites utilisés par l’artillerie, des rampes de lancement de missiles et de dépôts de munitions. La neutralisation de certains stocks d’armes chimiques est aussi évoquée même si, à l’évidence, la plus grande prudence est requise.

 

S’agit-il de renverser Bachar el-Assad?

– Non. Mais de frapper assez fort pour lui enlever tout espoir de victoire. Les Russes ne vont pas le défendre, les Iraniens ne peuvent rien. La victoire pourrait être plus facile à obtenir qu’on ne l’espérait. Il suffisait que les Américains convainquent les cadres du régime de leur détermination pour que ces derniers prennent peur. A Damas, c’est déjà la panique. Depuis hier, après la déclaration de Sergueï Lavrov, certains officiers fuient vers le Liban.

 

Une attaque militaire ne poussera-t-elle pas au contraire le gouvernement syrien à une fuite en avant?

– La pression militaire va ouvrir la voie à une solution politique. Le clan rapproché, totalement impliqué dans les exactions et la dictature, s’obstinera peut-être jusqu’au bout parce qu’il a tout à perdre d’une transition. Mais, au faîte de l’Etat, il y a aussi des officiers, des politiciens et des cadres du régime qui n’accepteront pas de mourir avec la famille Assad. Ceux-là pourraient basculer dans le camp de l’opposition et accepter de négocier ou contraindre leur chef à le faire.

 

L’opposition prépare-t-elle déjà l’après-Bachar?

– Pour l’instant, nous nous préparons à cette intervention militaire. Il faut que les pertes humaines soient limitées, qu’il n’y ait pas d’erreurs dans les cibles choisies. Surtout, dans l’intérêt du peuple syrien, il faut que nous puissions exploiter politiquement cette opération militaire.