DU CROISSANT FERTILE AU CROISSANT MARTYR

1989-10-20:: Le Nouvel Afrique Asie  N.1

 

Rares sont les peuples du monde qui ont souffert et continuent de souffrir autant que les peuple de cette region appelée naguer le Croissant fertile et qui merite mieux aujourd'hui le nom de Croissant martyr. De la Palestine, où, depuis bientôt deux ans, l'affrontement de civils avec les troupes d'occupation apporte au monde son lot quotidien de morts, de blessés et d'expulsés, au Liban. où guerres civiles et autres qui ravagent ce pays depuis plus de quatorze ans risquent de dégénérer, à n'importe quel moment, en une guerre régionale dévastatrice. En passant par l'Irak, qui n'est pas encore sur de sortir définitivement de sa guerre meurtrière avec l'Iran, et la Syrie, qui a tout sacrifié pour mettre sur pied une armée puissante la protégeant contre Israël, mais qui est devenue très vite l'otage de sa propre puissance, sans parler de la Jordanie, pays en perpétuelle interrogation sur son avenir.

 

Sans doute l'explication de cette situation se trouve-t-elle dans la fragilité structurelle des Etats de cette région, leur position stratégique sur l'échiquier international. Ces handicaps originels n'ont pas, d'ailleurs, échappé aux premières équipes dirigeantes dans la quasitotalité de ces pays qui tentaient de les absorber par des politiques de coopération tous azimuts. Au niveau des peuples, ce fut la source d'une profonde aspiration à l'union, ce qui a valu à cette partie du monde arabe le nom de , cœur battant de l'arabisme  .

 

Cependant, cette vocation et cette volonté de coopération n'ont pu résister à la pression croissante de la puissance israélienne. L'échec de la tentative d'une riposte arabe unie, couronné par la signature des Accords de Camp David, ne tarda pas à créer un tourd climat d'insécurité et à propager au sein de ces Etats la logique suicidaire du sauve-qui-peut. C'est ainsi que chacun, dans sa quête d'une sécurité introuvable et dans sa fuite en avant, ne trouvait plus irrationnel ni immoral d'empiéter sur la souveraineté de l'autre. voire de l'occuper pour l'intégrer dans son propre jeu. Le sort du Liban dans cette débandade a été des plus sombres, car il a été littéralement écrasé.

 

Les espoirs de sauver ce pays martyr sont nes de la convergence de circonstances exceptionnelles l'affaiblissement de la Syrie, dù à la fin de la guerre du Golfe, l'évolution de la cause palestinienne après l'Intifada, le changement positif du climat politique régional ou interarabe et la fin de ta guerre froide. Bref des facteurs externes et internes puissants. Cependant, le retrait des troupes syriennes, qui est devenu aujourd'hui la condition première du déclenchement du processus de sauvetage du Liban, bute sur ce grand problème de sécurité régionale, rappelée sans cesse par l'occupation israélienne des territoires arabes.

 

L'expérience de toutes les tentatives de pacification du Liban, comme au Proche-Orient, depuis plus de quatorze ans, a montré la difficulté d'arriver à un résultat tangible sans la prise en compte des problèmes de tous les Etats de la région face à l'agression généralisée dont ils sont les victimes. La nouvelle tentative aura-t-elle plus de chance que les précédentes? Les puissances occidentales. la France en tète, et le Comité arabe tripartite, sur lequel repose aujourd'hui la lourde tâche d'élaborer un nouveau plan de paix dont dépendra l'avenir proche du Liban et du Proche-Orîent arabe, seraient bien inspirés de déployer leurs efforts en vue non seulement de réconcilier les Libanais, mais, à une plus grande échelle, les pays de ce triste Croissant, véritable cadre du conflit actuel au Liban. Mais, plus que toute autre question. la plaie libanaise fait apparaitre l'urgence d'une conférence internationale sur tous les problèmes du Proche-Orient dont seul Israël continue à récuser le principe.